LA SOLIDARITE EN DROIT CIVIL – PARTIE 4 – 1

II) L’imitation d’une solidarité au sens large en droit positif

Il existe, en effet, une tendance relativement récente du droit positif a instiller de la solidarité dans tout le droit civil non en se fondant sur l’idée d’une communauté d’intérêts entre les parties concernées mais sur le souhait d’avantager une partie faible, qu’elle soit victime ou contractante vulnérable. Cette solidarité, qui ne repose en fait que sur une volonté légale ou jurisprudentielle, a donc des effets limités comme le montrent l’introduction de certaines formes de solidarité dans les liens d’obligations (A) et l’appel à la solidarité nationale (B).

A) La solidarité au sens large dans les liens d’obligation

Ainsi en est il de la création prétorienne de l’obligation in solidum, sorte d’ersatz de la solidarité passive (1) et de la faible réception du solidarisme contractuel par le droit positif (2).

1) L’obligation in solidum

La solidarité ne se présume pas en matière civile, dès lors pour échapper à cette règle, la jurisprudence, suivant en cela la doctrine, a inventé l’obligation in solidum. Elle existe quand plusieurs obligations indépendantes et nées de source différentes tendent à fournir au créancier la même satisfaction et ne peuvent donc se cumuler. Pour le créancier, il n’existe, en quelque sorte, qu’une seule dette alors que chacun des débiteurs est tenu d’une dette distincte au contraire de la solidarité passive et du principe d’unicité de dette. Elle trouve à s’appliquer dans deux domaines principaux, l’obligation alimentaire pour ce qui concerne l’obligation à la dette et la responsabilité délictuelle car la loi n’a pas prévu de solidarité entre les coauteurs d’un délit civil.

Concernant la première, on peut regretter l’abandon de la jurisprudence du principe de la solidarité passive qui paraissait tout à fait justifiée eut égard à la communauté d’intérêts existant entre les membres d’une même famille mais qui était effectivement insatisfaisante d’un point de vue juridique puisqu’elle n’était pas prévue par la loi.
Dès lors que l’obligation in solidum ne doit sa raison d’être qu’au souci de combler l’impossibilité d’application de la solidarité passive, il apparaît évident qu’elle n’en a pas les mêmes effets. Et force de constater que son régime est faible comparé à celui de son modèle. Il y a néanmoins communauté de régime pour ce qui concerne le droit de poursuite et les effets du paiement qui sont les effets recherchés par cette création jurisprudentielle. En effet, le but est de faciliter dans les deux cas la situation du créancier, victime d’un dommage ou en situation de besoin. Dès lors chacun des débiteurs peut se voir réclamer tout ce à quoi le créancier a droit puisque chacun y est personnellement tenu. De même, pour les effets du paiement, l’exécution par l’un des débiteurs met les autres à l’abri des poursuites du créancier.

La ressemblance avec la solidarité passive est plus complexe pour ce qui relève de la contribution à la dette notamment en matière délictuelle. Les effets de la solidarité sont, à l’évidence moins stricts puisqu’ils ne se fondent pas sur une communauté d’intérêt voulue ou naturelle préexistante. Dès lors, il existe un recours du débiteur qui a payé plus que sa part contributive mais son étendue ne peut être prévue conventionnellement ou répartie en parts viriles puisqu’il va dépendre de l’acte de chaque débiteur.
A suivre une logique juridique stricte, la répartition de la contribution devrait se faire en fonction du rôle causal de chacun dans la réalisation du dommage mais la jurisprudence s’attache en général à la gravité respective des fautes. Il peut, ainsi, arriver que le solvens se fasse rembourser la totalité de la dette par celui qui a commis la faute prépondérante. Dès lors, il ne s’agit pas vraiment de solidarité entre les débiteurs mais de faciliter l’action de la victime. Cette absence de solidarité est d’ailleurs bien visible dans le fait que l’obligation in solidum n’emporte pas, tout du moins directement, les effets secondaires de la solidarité passive. Dès lors, l’obligation in solidum s’apparente plus à un ersatz de solidarité passive ce qui s’explique par l’absence de fondement propre à justifier une réelle solidarité. C’est la même raison qui justifie la faible résonance du solidarisme contractuel en droit positif.

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