LA SOLIDARITE EN DROIT CIVIL – PARTIE 4 – 2

2) Le solidarisme contractuel

Le solidarisme contractuel, à rebours de la théorie de l’autonomie de la volonté, part du postulat de l’inégalité entre les parties contractantes. Le contrat n’est donc pas librement formé et sa force obligatoire doit être assouplie au profit du plus faible. Dès lors, le solidarisme s’entend de l’union des cocontractants en vue d’atteindre un but commun et implique un certain altruisme de l’un qui doit prendre en considération, voire en charge, les intérêts de l’autre, lui consentant, au besoin quelques sacrifices.


Si cette théorie est indéniablement positive, en ce qu’elle induit une moralisation des relations contractuelles, il n’empêche qu’elle part du postulat plutôt contradictoire d’une communauté d’intérêts entre débiteur et créancier. Il serait sans doute souhaitable que les parties à un contrat oeuvrent ensemble pour l’utile et le juste mais dans les faits, la réalité est plutôt celle de l’existence d’intérêts divergents voire opposés. Or, la solidarité, au sens strict, exige pour se déployer une communauté d’intérêts à son origine qui n’existe pas dans la relation contractuelle. Cela explique, dans une certaine mesure, la relative faiblesse de l’influence de cette théorie sur la jurisprudence. En effet, ce n’est que dans deux domaines essentiellement, en donnant un relief particulier à la notion de bonne foi, que la Cour de cassation tend à assurer un équilibre de l’opération contractuelle, que l’autonomie de la volonté n’aurait sans doute pas suffi à garantir.


Il s’agit d’abord de la formation du contrat (traitement de la réticence dolosive, de la contrainte économique et de la portée de l’annulation en matière de cause). Mais ce mouvement ne va pas jusqu’à protéger le faible contre sa propre inertie. Il s’agit ensuite du contrat de travail avec l’obligation de reclassement du salarié et l’assistance à sa reconversion. Mais ailleurs, le bilan du solidarisme est maigre. S’agissant des contrats cadres, l’exécution du contrat, sauf exceptions limitées, ne donne pas lieu à abus dans la fixation unilatérale du prix. A défaut d’agissements fautifs de la partie forte, il n’y a pas d’obligation de renégocier le contrat devenu déséquilibré. L‘imprévision n’est toujours pas admise. Et il n’y a pas d’obligation de pourvoir à la reconversion du concessionnaire évincé, le préavis en tenant lieu.

Si l’on peut regretter cette faiblesse, il n’empêche qu’elle se justifie juridiquement par l’impossibilité d’imposer une solidarité, au sens strict, en l’absence de réelle communauté d’intérêts. On trouve la même faiblesse pour les effets de la solidarité nationale.

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