LA SOLIDARITE EN DROIT CIVIL – PARTIE 1 – introduction

solidarité droit civilLa solidarité, au sens courant, s’entend du sentiment qui pousse les hommes à s’accorder une aide mutuelle. Le fondement de cette solidarité vient de l’idée d’être ou de s’estimer lié à quelqu’un d’autre ou à un groupe par des intérêts communs ou une responsabilité commune. Elle ne prend tout son sens que lorsqu’un membre de l’union ou du groupe est confronté à des difficultés permettant de mettre à l’épreuve la force du lien qui unit les individus. A l’évidence, plus ce lien entre les hommes sera fort, plus cette aide mutuelle s’exercera naturellement et déploiera tous ces effets.


Aussi existe-t-il des domaines privilégiés de solidarité en droit civil. La famille légitime, en tant qu’elle repose sur de solides liens à la fois volontaires (mariage) et naturels (filiation), est au cœur de cette solidarité et l’aide mutuelle sanctionnée par le droit civil y est particulièrement développée à l’image de la vigueur de l’obligation alimentaire. De même, le commerce constitue un domaine naturel de la solidarité en raison de l’importance de la communauté d’intérêts unissant les professionnels du même corps. Ainsi, la solidarité commerciale remonte à la Venise du 15 ème siècle, créatrice du « prêt à la grosse aventure » permettant aux commerçants de s’associer dans les gains ou dans les pertes face aux risques de la navigation. Cette idée d’une solidarité « naturelle » en la matière est toujours d’actualité puisqu’il est un principe constant de présomption de solidarité.
Dans ces deux exemples, on constate que cette aide mutuelle face à l’adversité n’a de justification que parce qu’elle est le pendant négatif d’une situation positive. L’obligation alimentaire, en matière familiale, n’est que la conséquence d’une certaine conception de la famille comme lieu indispensable de l’épanouissement de l’individu. De même, la participation commune aux pertes des commerçants n’est que la face négative d’une association tournée vers la recherche de bénéfices plus importants. Il est, alors, possible de réellement parler de solidarité qui repose sur l’idée d’une communauté associée dans un intérêt commun et prête à en supporter toutes les conséquences, même négatives.


Cependant, on constate une tendance du droit positif à imposer dans certaines situations une solidarité qui n’a de solidaire que le nom. L’idée même « d’imposer » une solidarité est déjà signe de son caractère factice, accru par le fait que cette solidarité purement rhétorique ne se développe que dans l’intérêt d’un seul. L’exemple peut être donné du développement récent et restreint du solidarisme contractuel qui tend à exiger une aide mutuelle entre les contractants ; aide mutuelle qui s’impose, en fait, à la partie la plus forte dans l’intérêt de la partie faible. Or, plus personne aujourd’hui ne conçoit le contrat « comme un microcosme au sein duquel converge un intérêt commun », le contrat lie des individus aux intérêts divergents, voire opposés. Dès lors, dans ces nombreuses hypothèses où le droit positif crée de la solidarité en l’absence de communauté d’intérêts et pour le bénéfice d’un seul (la victime ou la partie faible), il ne peut être question de faire jouer pleinement la solidarité, au sens strict, puisqu’elle a perdu toute sa justification. Ainsi, sous une homogénéité terminologique, la réception de la solidarité en droit civil cache une dualité conceptuelle aux effets très variés. Aussi, convient il de distinguer la consécration d’une solidarité au sens strict par le droit civil qui déploie toute la plénitude de ses effets (I) et la simple imitation de cette solidarité qui n’entraîne qu’un minimum de conséquences (II).

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