Une répression utile ne saurait s’entendre d’une vindicte systématique en tout temps et en tout lieu. Dès lors que le droit pénal doit apaiser le corps social après le trouble causé par l’infraction, il doit nécessairement faire une place au travail du temps, et aux sentiments d’oubli et de pardon qui l’accompagne le plus souvent. Telle est la fonction de trois institutions distinctes du droit pénal : l’amnistie, la prescription et la grâce.
La prescription, qu’elle concerne l’action publique ou la peine, est la plus commune des trois institutions. En effet, non seulement la prescription est susceptible de concerner tout citoyen, mais la fixation de ses points de départs et de ses délais relève du législateur conformément au principe de légalité des délits et des peines.
L’amnistie relève aussi du pouvoir législatif, mais elle est plus exceptionnelle, car elle n’intervient que de façon ponctuelle, notamment après les périodes troublées de notre histoire (ex : la loi d’amnistie sur la guerre d’Algérie).
La grâce est très certainement la plus exceptionnelle des institutions car elle constitue un legs régalien, qui remonte à une tradition immémoriale et confère aujourd’hui au Président de la République un pouvoir de pardon exorbitant de droit commun (fondement textuel de la grâce : art 17 de la Constitution).
Cependant, si le droit pénal doit faire une place à l’oubli et au pardon, il doit aussi composer avec des intérêts contradictoires et notamment l’intérêt des victimes. En effet, si l’oubli peut parfois seulement et de façon quasi mécanique ériger un obstacle à l’exercice de l’action publique, il n’en va plus de même lorsqu’une condamnation définitive intervient. Dans ce cas une démarche plus volontariste de pardon doit s’ajouter à l’oubli si on souhaite ériger un obstacle à l’exécution de la peine.
Aussi convient-il de mettre en rapport l’oubli et le pardon obstacle à la poursuite de l’infraction (I) et l’oubli et le pardon en tant qu’obstacle à l’exécution de la peine (II)
I/ L’oubli et le pardon obstacle à la poursuite de l’infraction
L’amnistie obstacle à la poursuite de l’infraction
C’est l’hypothèse où une loi d’amnistie intervient avant qu’une condamnation ne soit devenue irrévocable.
Une grande typologie des lois d’amnistie peut ici être relevée : In rem pour laquelle, une nature d’infraction est saisie, et In personam, pour laquelle, cette fois, un profil de délinquant est saisi, sans oublier la gâce amnistiante.
L’intérêt de ces lois, c’est qu’elles permettent de lire en creux la politique criminelle qui est poursuivie et aussi les oscillations de la politique : Prenons l’exemple de la sécurité routière, qui, pendant des décennies a fait l’objet de lois d’amnistie, même si la loi du 6 août 2002 excluait pour la 1ère fois les infractions routières. C’était alors, le signe avant coureur d’une sévérité accrue, et ce fut confirmé par la loi du 10 juillet 2003 sur la sécurité routière.
La prescription de l’action publique obstacle à la poursuite de l’infraction
- Le mécanisme
Ses points de départs sont différents en fonction qu’il s’agit d’une infraction instantanée, d’une infraction continue ou d’une infraction complexe.
La prescription de l’action publique, permet fondamentalement à l’oubli de faire sa place. Il existe néanmoins des pays où cela n’existe pas, et en France la tendance générale est hostile à la prescription.
- La tendance générale hostile à la prescription de l’action publique
On remarque l’hostilité ponctuelle du législateur à travers le système dérogatoire qu’il met en place par l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, de même qu’il organise la réouverture des délais de prescription en cas d’infractions sexuelles sur mineurs.
L’hostilité du juge est également marquante si l’on prend l’exemple de l’affaire des disparus de L’Yonne qui remonte au 20 février 2002.
A noter également, le recul du point de départ de la prescription en droit pénal économique et financier.
Si en revanche une condamnation définitive intervient, et qu’il est question d’ériger un obstacle à l’exécution de la peine, alors on retrouve plus le pardon que l’oubli. Et comme il y a le casier judiciaire, il n’y a pas d’oubli.
II/ L’oubli et le pardon obstacle à l’exécution de la peine
L’obstacle à l’exécution de la peine sans disparition de la condamnation
- La prescription de la peine
les points de départs sont distincts entre les décisions contradictoires et les décisions par défaut, soit par contumace en matière criminelle.
Relevons aussi que s’agissant des délais, ils sont passés de 2, 5 et 20 à 3, 5 et 20 ans.
- La grâce
C’est une prérogative régalienne qui échoit au Président de la République.
En 1992, on avait songé à abolir ce droit de grâce, mais on l’a maintenu. Et notamment, s’agissant des grâces collectives, elles servent à la gestion des flux carcéraux (à cause de la surpopulation carcérale).
Pour les grâces individuelles, en 1994, des auteurs voulaient les garder. En effet, elles peuvent servir de techniques de rattrapage pour les éventuelles erreurs judicaires (c’est une soupape de sécurité pour les erreurs judiciaire) : Ex : affaire Omar Haddad, qui a fait l’objet d’une grâce.
Depuis 2000, instauration de la seconde chance en matière criminelle – c’est l’appel circulaire issu de la loi du 15 juin 2002, et depuis la loi du 4 mars 2002, elle vaut aussi à l’initiative du parquet.
L’obstacle à l’exécution de la peine découlant de la disparition de l’infraction
C’est l’hypothèse où l’amnistie intervient après qu’une condamnation est devenue irrévocable.
L’oubli et le pardon sur lesquels le temps n’a pas de prise, c’est l’oubli et le pardon au regard de l’opinion publique.