L’élement légal en droit pénal – Le juge pénal et la loi – 3

juge et loiII- La loi soumise au juge

A. Le contrôle des règlements par le juge répressif

1. Extension du domaine du contrôle du juge pénal

Quand un règlement est invoqué au cours du procès pénal, les parties et le ministère public peuvent soulever une exception d’illégalité. Elle oblige la juridiction répressive à vérifier la validité de l’acte. Le plus souvent, elle sera soulevée en matière contraventionnelle par un prévenu qui conteste la validité d’un règlement constituant le fondement de la poursuite. Création prétorienne, la compétence du juge a été consacrée par l’art 111-5 du CP. Selon lui, les juridictions répressives peuvent apprécier la validité de tous les actes administratifs qu’ils soient individuels ou réglementaires. Peu importe que l’acte en cause constitue le fondement des poursuites ou simple moyen de défense. Seul compte le fait que de l’examen de la légalité de l’acte dépendra la solution du procès pénal soumis au juge.

2. Multiplicité des points de contrôle du juge pénal

Le juge pénal est compétent pour examiner la constitutionnalité des règlements. Cette compétence sera écartée lorsque l’examen de la constitutionnalité des règlements aura pour effet de conduire le juge pénal à examiner la constitutionnalité d’une loi. C’est la théorie de la loi-écran.Il est compétent pour contrôler la conformité d’un règlement aux traités internationaux, à la loi et aux règlements de valeur supérieure. Les causes d’illégalité qui peuvent être soulevées devant le juge pénal sont nombreuses : incompétence de l’auteur de l’acte, vice de forme, violation de la loi et détournement de pouvoir. Si le juge répressif conclut à l’illégalité de l’acte, il devra écarter l’application du règlement du procès en cours.

B. Le contrôle de la loi par le juge pénal

1. Le contrôle de la qualité du travail législatif

S’agissant de la loi, le juge est plus limité que lorsque ce contrôle porte sur un règlement parce que le juge répressif ne se reconnaît pas compétent pour contrôler la constitutionnalité des lois. Seul le Conseil constitutionnel est compétent. En revanche, il peut depuis l’arrêt de la chambre mixte du 24.05.75 société des cafés Jacques Vabre, contrôler la conformité d’une loi aux traités internationaux, dont la Convention européenne des droits de l’homme fait partie. Les juridictions pénales peuvent donc contrôler la clarté et la précision de la loi sur le fondement de l’art 7 de la CEDH. Toutefois, si la Cour de Cassation admet le principe d’un tel contrôle depuis 1975, elle ne l’exerçait pas pleinement jusqu’à une date récente. Jusqu’en 2001 elle n’avait jamais écarté l’application d’une loi pour un tel motif. Deuxdécisions importantes : crim 16.01.01 et 20.02.01. Ce sont les premières décisions dans lesquelles la Cour de Cassation se fonde sur l’art 7 pour écarter l’application d’incrimination législative qu’elle juge trop imprécise. Les incriminations étaient des incriminations sanctionnant un usage abusif de la liberté de la presse. A la suite de ces arrêts on s’est demandé si la Cour de Cassation n’avait pas écarté l’application de la loi sur le fondement de l’art 10 relatif à la liberté de la presse. Cette hypothèse a été clairement démentie par l’arrêt du 16.01.02 dans lequel la Cour de Cassation écarte l’application de manière explicite sur le fondement de l’art 7 l’application d’incriminations résultant du CGI. On peut dire quela Cour de Cassation exerce un contrôle sur la qualité de la loi et que l’application de la loi est soumise au juge.

2. D’une légalité formelle à une légalité matérielle

La CESDH pose dans son art 7 l’exigence de la légalité criminelle. Mais la convention a également vocation à régir le droit des pays du common law. Or dans ces pays, la source du droit pénal est la jurisprudence. Ainsi, pour la jurisprudence de la CEDH le terme de loi inclut non seulement le droit écrit mais aussi le droit non écrit. La seule chose qui compte c’est la règle « pas d’incrimination sans incrimination ». Peu importe la nature de la norme qui pose l’incrimination. Le juge fait partie intégrante de la notion de loi. Emme a initié dans notre droit le passage d’une légalité formelle à une légalité matérielle. La seule chose qui compte c’est la règle qui prévoit le respect de l’impératif de sécurité juridique. Le second sens du principe de légalité criminelle a perdu beaucoup de sa vigueur.

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