I/Beccaria
- Cesare Beccaria, ou encore César Bonesana, marquis de Beccaria, (né le 15 mars 1738 à Milan, mort le 28 novembre 1794 à Milan), fut un intellectuel italien de premier plan à la fin du 18ème siècle.
- Très inspiré par Montesquieu et les encyclopédistes français, Beccaria s’intéresse très tôt aux questions liées à l’équité du système judiciaire. Il signe son chef d’œuvre à 26 ans avec Des délits et des peines (1764) qui pose les bases de la réflexion juridique moderne. Certains des arguments avancés sont déjà anciens, mais Beccaria en fait une parfaite synthèse d’autant plus neuve qu’il se dégage de tout modèle religieux.
- Il y établissait les bases et les limites du droit de punir, et recommandait de proportionner la peine au délit.
- Beccaria pose aussi en principe la séparation des pouvoirs religieux et judiciaire. Dénonçant la cruauté de certaines peines comparées au crime commis, il juge « barbare » la pratique de la torture et la peine de mort, et recommande de prévenir le crime plutôt que de le réprimer.
- Cet ouvrage provoque un authentique tremblement de terre intellectuel et reçoit l’aval d’intellectuels de renom (Voltaire, Diderot). Beccaria met au monde le débat qui sévit depuis plus de deux siècles entre les partisans de la répression et ceux favorables à la prévention, que Beccaria appelle de ses vœux. Très hostile à la peine de mort, il pose une démonstration, la première du genre, qui amène l’auteur à qualifier la peine capitale qui est « ni utile, ni nécessaire », de « crime judiciaire ».
- En 1768, est créé pour lui à Milan une chaire d’économie politique où il va enseigner pendant 2 ans.
- A partir de 1770, il devint haut fonctionnaire dans l’administration milanaise alors sous domination autrichienne; il occupa ce poste jusqu’à sa mort.
- Aujourd’hui, le « Rousseau des italiens » inspire les réformes judiciaires menées notamment en France et en Suède : les cas passibles de peine de mort sont drastiquement réduits partout en Europe entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, avant une abolition logique au XXè siècle.
- Quelques principes posés par Beccaria dans Des délits et des peines :
- « Nullum crimen nulla poena sine lege » (Pas de crime, pas de punition sans loi)
- « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée. »
- « Nul ne peut être arrêté, accusé ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. »
- « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. »
- « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne sera pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
Ces principes sont aujourd’hui les piliers de la justice.
Ses leçons n’ont été imprimées qu’après sa mort, en1804. Beccaria avait participé en 1764 et 1765 à une publication périodique analogue au Spectateur, le Café (1764-1766) où étaient traités divers sujets de littérature et de philosophie.
II/Analyse de la citation
Cet extrait du Traité des délits et des peines illustre l’une des revendications exposées ci-dessus par Beccaria : l’idée de proportionnalité de la peine. La peine exprime une sanction à l’encontre d’un individu, mais au nom de la toute la société (image que nous retrouvons plus particulièrement aux assises avec les jurés).On peut , dans un 1er temps , avaliser ce propos , pour ensuite le nuancer :
L’exigence de proportionnalité de la sanction : la mesure de la peine doit être le dommage causé à la société.
- Exigence consacrée par de nombreux textes (DDHC, CESDH, etc.…)
- Exigence exprimée par le juge : la personnalisation de la sanction pénale est envisagée dans cette perspective de proportionnalité. tout magistrat représente la société, et qu’en tant que tel, il rend la justice non pas en son nom, mais en celui du peuple. Dès lors, on avalise largement le propos de beccaria.
- Rejet de la notion de vengeance, de la loi dite du Talion.
- La vie est sacrée et nul ne peut en disposer : d’ou la volonté pour Beccaria d’abolir la peine de mort, la torture.
- Évoquons la valeur symbolique de la condamnation à l’euro symbolique, preuve que la sanction peut être quasi exclusivement basée sur une atteinte portée à la société.
- Citons aussi Montesquieu, qui développe le principe de proportionnalité des délits et des peines dans De l’Esprit des Lois.
Les limites à cette exigence
- La vraie mesure de la peine semble beaucoup plus guidée aujourd’hui par les intérêts de la victime cf. les peines complémentaires, les alternatives aux poursuites, ….
- Elle nécessite, dans sa mise en oeuvre, aujourd’hui, de plus en plus d’informations sur le délinquant…ce qui nous amène à nous poser la question de savoir si ce n’est pas sa personnalité qui peut être déterminante de la condamnation. (multiplication des expertises psychiactriques…)
- Il faut connaître un auteur italien qui a critiqué la notion de proportionnalité des délits et des peines : Italo Mancini
- Beccaria lui même ne semblait pas hostile à la peine de mort et à la torture pour les délits politiques, qui étaient à son époque les plus répandus, et directement attentatoires à la sécurité de l’Etat.