La décentralisation serait le transfert de certaines compétences de l’Etat vers des entités qui ont une personnalité juridique. De plus, elles s’administrent librement par des conseils élus mais elles restent toujours sous le contrôle de l’Etat. Les CT sont les régions, les départements et les communes principalement. On voit aussi le niveau intercommunal qui vient concurrencer les compétences des communes avec d’autant plus de moyens que les communes. Le terme de décentralisation est assez spécifique à la langue française. Dans d’autres Etats, on parle de gouvernement local (self government). La démarche y est inverse car le local tend à être légitime. En France, le local n’a pas de légitimité en lui-même. On ne conçoit le local qu’en tend que l’Etat a bien voulu concéder des compétences.
La distinction avec d’autres notions :
La décentralisation apparaît comme une nécessité à l’Etat unitaire. C’est une modalité d’organisation de l’Etat unitaire. C’est un élément correctif des disfonctionnements propres à l’Etat unitaire. Mais elle n’est pas le seul moyen de correction. Elle peut être confondue avec la déconcentration, ou encore la décentralisation par services. On a une concentration des pouvoirs qui va entraîner une réaction en chaîne, laquelle va mettre en péril l’efficacité administrative, voire la démocratie. Si on dit concentration des pouvoirs, on parle d’allongement des procédures. Autre problème : on a un Etat unitaire peu démocratique, loin des citoyens, des besoins locaux. Il y a aussi une diminution des responsabilités. L’administration centrale paraît éloignée, opaque, mal connue. On a aussi un gaspillage des moyens. L’Etat n’a plus le temps de s’occuper de son rôle essentiel, c’est-à-dire de prendre les grandes décisions. Il y a aussi un gaspillage des initiatives. Les initiatives locales sont peu prisent en compte. Donc un Etat unitaire apparaît inefficace, impraticable à long terme. L’objectif est donc de desserrer cet étau centralisateur. Il faut favoriser la démocratie de proximité, rapprocher les citoyens, élargir les responsabilités, prendre en compte le local. Pour cela, il y a différents moyens et non seulement la décentralisation.
Il y a d’abord la déconcentration. On l’appelle aussi la décentralisation imparfaite. Elle a aussi comme objectif d’aboutir à un Etat moins centralisé mais le moyen est différent. En effet, la déconcentration est un simple aménagement de la décentralisation. C’est un transfert de compétence, voire plutôt une simple délégation de compétences, d’attribution du pouvoir central vers des autorités déconcentrées. La préfecture est le service déconcentré par excellence. Il y a aussi les directions départementales de l’urbanisme et de l’équipement. De même, pour la DDASS. Tout ce qui est DD sont des services déconcentrés. Les services déconcentrés sont des relais locaux du pouvoir central qui ne possèdent pas de personnalité juridique propre, distincte de l’Etat. Ils sont nommés par l’administration de l’Etat par le biais du pouvoir hiérarchique. On a une autorité locale qui concerne la compétence. Cela permet à l’administration centrale de conserver le pouvoir mais de prendre mieux en compte les besoins.
Aujourd’hui, la déconcentration est le mode de droit commun de l’Etat. Les services déconcentrés ont un mode de droit commun pour agir : loi du 6 février 1992 qui a posé le principe de subsidiarité : « sont confiées aux administrations centrales les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l’exécution ne peut être déléguée à un échelon local ». L’administration centrale n’a donc qu’une compétence subsidiaire pour les affaires nationales.
Décret du 1er juillet 1992 qui vient confirmer et appliquer ce principe : article 1er : « la déconcentration est la règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les différents échelons des administrations civiles de l’Etat ». Cela induit au final que les administrations centrales se concentrent plus sur un rôle d’animation, de conception, de décision et laissent plus un rôle de mise en œuvre des décisions aux autorités déconcentrées. Cette mise en œuvre est en priorité donnée au niveau régional.
Décret du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des actes administratifs individuels : il pose le principe de la compétence du préfet pour prendre les actes administratifs individuels qui entrent dans le champ de compétence des administrations civiles de l’Etat. Mais il y a toujours des ministres qui pourront intervenir, mais cela reste des exceptions qui doivent être fixées par décret en conseil d’Etat. Dans la pratique, on confond souvent déconcentration et décentralisation. La déconcentration est souvent venue compléter et freiner la décentralisation, comme s’il fallait les deux pour assurer la libre administration des CT et l’unité de l’Etat. Ex : décret du 10 mai 1982 qui est venu redéfinir les attributions du préfet : ce décret lui a donné le pouvoir de diriger les services déconcentrés de l’Etat. Ex : les lois du 6 février 1992 et le décret du 1er juillet 1992 sont venus rééquilibrer les choses sur le terrain. Il fallait éviter que les intérêts locaux ne priment sur l’intérêt général. Le décret du 29 avril 2004 est venu renforcer les pouvoirs des préfets de région. On a donc un rééquilibrage au profit des préfets de région. Aujourd’hui, ce n’est plus l’administration centrale qui gère le quotidien. L’Etat retourne donc à son rôle d’Etat et non plus à celui de gestionnaire.
Il y a ensuite la décentralisation technique ou par services. Léon Duguit a fait une théorie sur une décentralisation qui se ferait au niveau de services et non au niveau de Collectivités territoriales. La décentralisation territoriale est une autonomie que l’on va donner à des collectivités infra étatiques qui sont définies géographiquement par un territoire particulier et qui sont dotées d’organes élus. La décentralisation technique concerne des services publics qui ont une personnalité juridique, mais qui n’ont pas de territoires et qui ne sont pas dirigés par des élus. Ce sont des services que l’on va détacher de l’administration centrale en leur octroyant une personnalité juridique. Pour cela, on les érige en EP. L’EP est une façon de gérer un SP. Un Etablissement Public (EP) est défini par 3 critères :
- C’est une entité qui a une personnalité juridique : autonomie financière, autonomie au niveau des décisions,… Mais cette autonomie n’est pas absolue car les établissements publics sont soumis à une tutelle de la part de leur administration de rattachement. L’administration de rattachement peut être l’Etat, mais aussi une CT. Le contrôle est assez diversifiés (sur les actes, sur les finances,…). De plus, cette autonomie n’est pas garantie par la Constitution. Les EP n’ont aucune protection constitutionnelle.
- Un EP gère un Service Public (SPIC ou SPA).
- Le principe de spécialité : l’EP a une compétence d’attribution. Il peut avoir une ou plusieurs missions dès lors qu’elles figurent dans son statut. Il n’a donc pas de clause générale de compétence mais une énumération exhaustive de ses prérogatives.
En principe, érige un SP en EP permet de mieux identifier les besoins de ce SP, mais il ne s’agit pas pour autant de lui donner une liberté d’action importante. Parler de décentralisation peut donc paraître excessif. Pour certains auteurs comme Charles Eisenmann cette décentralisation par services n’a pas sa place dans la théorie de la décentralisation car même si les SP sont érigés en EP, il n’y a pas de modification de la structure du SP. Pour lui, la décentralisation est le transfert de compétence vers des organes non centraux. Les organes non centraux sont des organes qui vont édicter des normes pour une fraction de la population et non l’ensemble de la population. Or même si le SP est érigé en EP, il reste un service de l’Etat. Cela ne modifie pas le nombre de personnes confiées pour cet acte. La décentralisation par services est différente de la décentralisation pour Eisenmann. Pour lui, la décentralisation par services est plutôt une façon de répartir les tâches, les compétences mais au sein d’un même pouvoir. On a constaté que les EP s’étaient multipliés, accrus ces dernières années. On a des EP parfois très différents les uns des autres. Pour certains, il y a un risque de morcellement, de cloisonnement de l’administration. On voit que l’aspect pluriel ne suffit pas toujours pour qu’il y ait bonne administration. Néanmoins, les EP ont joué un rôle important dans la pluralité, dans la volonté de desserrer l’étau centralisateur. Les EP sont un élément de la pluralité administrative. Dans certains cas, on peut voir les EP comme un élément de la décentralisation quand certaines compétences sont déléguées par les CT. Il y a un vrai phénomène de décentralisation avec les EPCI aujourd’hui. A partir de ces EPCI, on pourrait dire que les EP joue un rôle dans la politique de décentralisation.
Il y a ensuite la délocalisation. La décentralisation concerne les compétences. La délocalisation concerne le déplacement géographique de certaines activités que l’on va en fait redéployer sur le territoire. La délocalisation s’inscrit plus dans une politique d’aménagement du territoire que dans un élément décentralisateur. Rien ne change sur le plan du mode de fonctionnement. Seul est modifié le lieu d’implantation. Cette politique a connu un nouveau dynamisme en 1991 (l’ENA).
Il y a aussi la distinction avec les Etats régionalistes. L’Espagne et l’Italie connaissent une autonomie régionale très forte mais ne sont pas des Etats fédéraux. Ils sortent du cadre de la décentralisation. Ils connaissent une décentralisation complète car ces régions ont une part du pouvoir législatif. Elles bénéficient d’un pouvoir d’auto organisation. Ces régions peuvent venir compléter les dispositions constitutionnelles. Elles ont aussi un pouvoir qui leur permet d’adapter les lois nationales, mais il faut quand même qu’il y ait autorisation expresse de l’Etat. Enfin, elles bénéficient de compétences propres dans certaines matières législatives énumérées par la Constitution. Toutefois, ce ne sont pas des Etats fédéraux. Ces régions restent soumises à un contrôle de légalité de la part de l’Etat. Eventuellement, il peut y avoir un contrôle du juge constitutionnel. Il y a aussi un contrôle d’opportunité lorsqu’on estime que la loi régionale est contraire à la loi nationale ou à la loi d’une autre région. Dans ce cas, c’est le parlement qui intervient. Ces régions ont des ressources propres, mais c’est l’Etat qui fixe ces règles relatives à ces ressources propres. Donc l’autonomie financière est réduite. Dans ces Etats régionalistes, on a l’octroie du pouvoir législatif dont ne bénéficient pas les CT françaises.
Autre distinction : avec les Etats fédéraux. La décentralisation prend sa place dans un Etat unitaire. Dans un Etat unitaire, il n’y a qu’un seul ordre juridique. Un Etat fédéral est un Etat composé. Des Etats fédéraux vont chacun disposer de leur propre structure et de leur propre ordre juridique. Les Etats fédéraux échappent au contrôle du pouvoir fédéral. Dans l’ensemble, ils sont relativement indépendants quant à leur pouvoir normatif. Les CT ne disposent pas de leur propre ordre juridique. Elles ont un pouvoir normatif réduit. Les CT disposent d’un pouvoir règlementaire mais celui-ci est conditionné et soumis au pouvoir réglementaire national. Quant au pouvoir législatif, les CT ont juste la possibilité de déroger aux lois nationales par l’expérimentation, mais cela reste très strictement sous le contrôle de l’Etat. Il faut remplir certaines conditions. Les compétences des CT sont fixées par le législateur alors que dans un Etat fédéral, cela figure dans la Constitution fédérale. Les Etats fédérés ont une structure calquée sur l’Etat fédéral. Les CT ont une structure qui leur est propre. Donc la décentralisation est assez éloignée de l’Etat fédéral. On reste bien dans un Etat unitaire.